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Photo du rédacteurPar Catherine Peeters

"On avait tout ce qu'il faut"

Dernière mise à jour : 1 mai 2019

Debout sur la terrasse, j’entendais cette musique et je commençais à me trémousser.

J’ai toujours été sensible à la vibration sonore de la guitare et la radio faisait partie de mes trésors.

Il faut dire que les « Two man sound » y mettaient tout leur cœur avec ce fameux « Charlie Brown ».

En fait, debout sur la terrasse, je me demandais quoi faire. Dès la moindre moue d’ennui, on m’avait proclamé haut et fort :  « va jouer dehors ». C’était l’été, un vrai été, celui de notre enfance où les saisons s’étalaient sur 4 périodes bien définies.

Il faisait chaud et j’aimais bien jouer avec de l’eau.

Comme Trampas dans le Virginien, je décidai alors de partir à l’aventure et donc… il me fallait un cheval !

Quand on s’ennuie, c’est merveilleux ; l’imagination s’active, un mot, une image et le rêve prend une dimension nouvelle parce que tout devient alors possible.

Oui possible ! De créer un cheval avec le pied de la balançoire. Couverture et cordage pour une selle sur mesure, un étrier bien ajusté, enfiler sa monture et partir à la conquête de l’ouest, voilà le début du programme, sans oublier bien sûr le véritable chapeau de cow boy.

J’affiche une altière allure à parcourir ma prairie en caressant sa crinière invisible mais le soleil au zénith me pique un peu la peau et je décide alors de m’arrêter auprès de cet arbre si particulier.

Il faut dire qu’il est magique, une entaille à hauteur d’une jambe levée et je peux y grimper. C’est alors une toute autre dimension qui s’ouvre à moi, presque céleste. Le chant des oiseaux en toile de fond, les couleurs d’une nature luxuriante et ces fleurs particulièrement odorantes.

Les 5 sens en action et en bon cow boy qui se respecte, je déballe ma gamelle et mon eau grenadine. Le pistolet bien porté à la ceinture… « on ne sait jamais… on a vu traîner des indiens dans le coin »

Pur moment de délectation joliment clôturé par ma sucette caramel préférée Pierrot Gourmand.

Allez hop, direction maintenant vers l’enclos des poules. J’ai une amie à saluer, toute de blanc plumée, je suis très fière d’être une dompteuse d’oie parce que non seulement elle me suit partout, se laisse caresser juste en dessous du bec (son endroit favori) mais en plus, je peux toute de sifflements composés, tenir une vraie conversation avec elle.

Adorable mais gourmande, elle se laisse titiller par les insectes et s’en va grignoter ces jeunes pousses d’herbe bien plus intéressantes pour elle semble t’il…

Plantée là, assise et pensive… il ne me reste plus qu’à trouver autre chose à faire.

C’est finalement une petite bête à bon dieu qui me tire de ma rêverie en se posant juste à côté de moi. Charmante visiteuse, je lui présente mon index comme moyen de transport pour soulager ses ailes fatiguées.

Elle y grimpe volontiers et de commun accord, nous migrons vers le jardin orné d’une toute nouvelle éclosion de fleurs. Je l’invite à découvrir ces roses délicates et je la dépose sur celle qui me semble la plus douce et la plus savoureuse pour une coccinelle. Elle semble enchantée et cette exquise découverte m’inspire une idée extraordinaire.

« J’allais créer un parfum de roses »

Folle d’enthousiasme, avec un entrain certain je partis à la recherche du matériel digne de ma future production. Un récipient grand et propre, un bâton mélangeur, de l’eau pure autant que possible et la touche la plus fondamentale ; la sélection des fleurs.

On avait accepté que je ramasse les pétales tombés mais je n’y voyais absolument aucun intérêt. Aspect brunâtre, morcelés par les fourmis, sales et sans effluve ils étaient indignes de ma fragrance mondiale en devenir.

Comme dans Chapeau Melon et bottes de cuir il allait falloir déjouer le plan diabolique de l’ennemi dont le seul but était d’empêcher ma fabrication et astucieusement récolter les précieux éléments.

Au bout d’une demi heure de stratégie, j’avais fauché les boutons les plus pimpant et les fleurs les plus épanouies et exaltantes.

J’enfilai alors mon tablier pour débuter le procédé ancestral de la macération solaire, agrémenté d’une feuille de laurier noble pour affiner mon essence d’une note délicate et subtile.

Enfin prêt mon « sent bon » maison se devait d’être transféré dans un flacon dignement décoré pour mes clients de Grasse habitués aux emballages sophistiqués.

Ce fut une journée bien remplie et heureuse de ma décoction, le soir dans mon lit, j’ambitionnais un labo aux bouteilles bleues et créations florales.

40 ans plus tard, je remercie ce fameux « va jouer dehors ».

Il a développé ma créativité, mon amour de la nature, ma passion des huiles essentielles et des élixirs et je contemple chaque jour ma collection de bouteilles bleues.

Je propose des hydrolats et je suis convaincue que sans le savoir, sur chaque chemin de notre enfance « on avait tout ce qu’il faut » pour devenir la belle personne que nous sommes aujourd’hui adulte.


En toute humanitude,

Catherine


© Catherine Peeters





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